Outil de recherche réalisé par le CIEQ


LES ANNÉES 1930

Questions de recherche et méthodologie

Ce qu'on appelait le « problème économique canadien-français » a constitué la pierre angulaire des discours de développement de l'entre-deux-guerres et des analyses qui les cautionnaient. La poussée vigoureuse de l'industrialisation, l'ampleur des mouvements migratoires vers les centres industriels du Québec et de la Nouvelle-Angleterre et, surtout, l'accroissement spectaculaire de la présence économique étrangère (notamment américaine) vont fournir une matière abondante aux observateurs contemporains de l'actualité économique. Parce qu'elle reçoit son impulsion de l'extérieur, la Seconde révolution industrielle pose tout le problème de la place réservée à la population francophone dans l'économie de monopoles.

L'idée suivant laquelle « la question nationale est une question économique », selon la formule employée par Édouard Montpetit, est une constante des discours de développement canadiens-français des années 1900-1939. Elle s'énonce de plus en plus nettement dans la littérature produite par les intellectuels et les porte-parole des mouvements sociaux. Comment posaient-ils le « problème économique canadien-français » ? Quelles solutions proposaient-ils pour y remédier ? Telles sont, ramenées à leur plus simple expression, les questions ayant orienté notre regard sur les discours économiques des années 1930.

Dans l'approche que nous avons privilégiée, les années 1930 ne sont pas appréhendées comme l'expression de ruptures datées et clairement identifiables. Elles apparaissent plutôt comme le résultat d'un long travail de préparation, de définition et de mobilisation amorcé au siècle précédent, mais dont les divers éléments n'ont commencé à s'articuler pleinement qu'au tournant du XXe siècle. Cette littérature, comme en témoignent abondamment les notices bibliographiques du fichier, diagnostique des problèmes, identifie des blocages et dénonce des situations. Elle propose aussi des solutions et invite à l'action. La « coopération », le soutien aux entreprises canadiennes-françaises, l'« achat chez nous », la canalisation des capitaux autochtones, l'étatisation des ressources naturelles, le resserrement des mesures de contrôle à l'égard des activités du capital étranger : autant de thèmes et d'enjeux qui s'imposent sur la place publique pendant le premier tiers du XXe siècle.

Au cours des années 1930, les intellectuels canadiens-français intensifient cette quête de solutions au « problème économique canadien-français ». Ils le font avec d'autant plus de zèle que l'effondrement boursier a complètement miné la crédibilité du système financier international, plongeant l'appareil de production dans une profonde léthargie. La vigueur de la vague antimonopoliste durant la Grande Crise et l'effervescence idéologique qui l'accompagne ne sont pas des phénomènes propres à la société québécoise, loin s'en faut. Pareils mouvements essaiment un peu partout en Occident et donnent lieu, là aussi, à l'élaboration de modèles de développement situés quelque part entre les expériences collectivistes (État et socialisme) et le grand capitalisme. Le renforcement du mouvement ouvrier et le prolongement de la crise économique créent un peu partout des conditions favorables à cette quête d'une « troisième voie » dont l'effet d'attraction s'exerce surtout parmi les classes moyennes. La question nationale québécoise a donné une coloration particulière à ces mouvements d'idées venus le plus souvent d'ailleurs.